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Deux heures plus tard, alors que Benoni XIV était en conférence avec son premier ministre, on vint lui annoncer que la princesse Séraphine lui demandait audience.

Il eut d’abord un mouvement pour faire éconduire sa cousine, mais il réfléchit sans doute, eut un sourire étrange et ordonna :

— Qu’on introduise la princesse dans mes appartements réservés, je vais la recevoir après le conseil.

La pauvre Séraphine se regardait dans les miroirs qui ornaient la salle où elle se trouvait ; elle arrangeait un dernier détail de sa toilette, ramenait une mèche qui s’échappait de sa chevelure, étudiait ses gestes, son attitude, se rappelait les instructions de sa mère qui lui avait dit :

— Sois tentante, désirable, séductrice. Tu as pour toi toutes les armes de la femme contre la faiblesse des sens de l’homme. En te voyant si belle, jamais le roi n’aura le courage de maintenir sa résolution cruelle.

Le cœur de la princesse battait bien fort lorsque le souverain entra :

Il la toisa avec hauteur, et dit :

— Que venez-vous faire ?… Votre père ne vous a-t-il pas transmis mes ordres.

— Il l’a fait, Sire, mais j’ai voulu tenter un dernier appel à votre pitié.

— Vous devriez déjà être sur la route du couvent…

Benoni XIV considéra sa cousine, puis il dit :

— Oui, je comprends. Vous vous êtes parée pour me fléchir. Vous vous êtes dit que je ne pourrais résister à l’attrait de votre beauté, vous avez peut-être escompté me séduire. Mais je ne suis pas, moi, le bel Hector de Vergenler… Je suis votre roi, moi…

Le souverain s’avançait vers Séraphine. Il s’écria :

— Plus je vous vois belle, plus vous augmentez mon courroux… Je veux que ces longs cheveux d’or tombent sous le ciseau, je veux que ces yeux ensorceleurs ne brillent plus pour aucun homme, je veux que ce corps tentateur soit emprisonné dans une robe grossière qui en dissimule les formes.

J’ai prévenu déjà l’abbesse du couvent des Puritaines. Elle vous attend, votre cellule est prête, vous prendrez dès aujourd’hui le voile et compterez dans la communauté sous le nom de sœur Marie-Anne. Allez, ma sœur… préparez-vous à la pénitence.

Séraphine, devant cette dureté inattendue du jeune roi, était tombée inanimée, en criant :

— Ô Hector ! Hector !… Nous ne nous reverrons jamais !…

Le roi la considéra étendue sur le sol ; et ce jeune prince que tous croyaient le plus secourable, le plus noble et le plus généreux, eut un rire mauvais pour dire :