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PAUVRE GERMAINE !



Mars. — La séparation éternelle est irrévocablement accomplie : ma mère est entrée dans la paix du tombeau !

Depuis ce matin, elle repose dans l’humble cimetière du village, aux côtés du père de ma sœur : la mort, plus clémente que la vie, les a rapprochés.

La triste journée finie, nous nous sommes trouvés réunis tous trois, Jacques, Jeanne et moi, dans le petit salon où chaque meuble, chaque objet nous parlait de l’absente : le dernier livre lu, fermé avant la dernière page ; la couture commencée ; l’oiseau favori, oublié et silencieux.

Longtemps muets, nous avons mêle nos larmes ; c’est moi, qui perds tout, et c’est moi qui, la première, ai dû les sécher ; ma petite sœur est trop jeune pour de si grandes douleurs.

Pauvre Jeanne ! elle n’a plus que moi désormais : longtemps désirée, née tardivement d’un second mariage, — mariage qui n’avait pas apporté le bonheur qu’il promettait, — l’enfant paya pour le père ; elle fut l’ange consolateur, l’ange du pardon et de l’oubli, la joie des dernières années. Elle fut aussi la suprême et dernière inquiétude de ma mère :

— Germaine, me disait la mourante, je te donne ma fille, je te confie ta sœur et je meurs sûre de son bonheur. Je n’ai aucun souci pour toi : tu es riche, tu es belle, tu es aimée et Jacques est digne de toi ; mais elle est sans beauté et sans fortune. Quelle serait ma douleur si je n’avais pas confiance, si je ne croyais en toi !

Agenouillée près de son lit, mes lèvres collées sur sa main, que mes baisers ne réchauffaient plus, je ne pouvais répondre ; mais elle me comprenait sans paroles, et ses yeux ne quittaient plus les miens ; Jeanne entra, ma mère fit un effort pour lui tendre les bras, et son âme s’envola dans ce dernier élan ! Ô mort ! que ta loi est cruelle !


12 Avril. — La nature est en fête ; le printemps s’épanouit sur les tombes et n’a nul souci de nos douleurs.

C’est un bien, sans doute ; ce renouveau est un présage d’espérance ; mais que me font les beautés de la nature sans celle qui me les faisait aimer ! Sans elle, la disparue, qui a ouvert mon esprit aux choses de l’intelligence ; mes yeux aux