Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90

La phrase était dite sans effet, comme une vérité bien connue ; mais je ne répondis rien ; j’étais humilié. Charlotte se croyait sans aucun esprit et chacune de ses répliques était plus intéressante que les miennes. J’avais (comme sans doute ma lectrice) plus de plaisir à l’écouter qu’à l’interrompre, et j’attendais la suite de son récit, quand elle s’écria, stupéfaite :

« Comment, tu bandes encore ?

— C’est de ta faute.

— Qu’est-ce que j’ai fait pour ça ?

— Tu m’as montré ces cheveux, ces yeux, ces seins, qui ne valent pas cent sous, dis-tu. On trouve mieux au bordel, n’est-ce pas ?

— Et c’est moi qui te fais bander, sans que je te touche ?

— Je le crains. Je m’en plaindrais à ta mère.

— Et qu’est-ce que tu veux que nous…

— Je ne veux rien.

— Tu plaisantes ! mais cela me donne envie !

— Prends patience. Fais comme moi. Je ne suis pas pressé.

— Alors, moi toute seule, laisse-moi faire, laisse-moi.

— Non, mademoiselle, je vous défends de vous livrer à l’onanisme sur mon lit. Les moralistes et les médecins…

— Je les emmerde. Je mouille, j’ai envie de me branler et quand j’ai…

— Et quand tu as envie de te branler, tu te branles. Je connais la phrase. Eh bien ! tu ne te branleras pas jusqu’à trois heures du matin.

Près d’un jeune homme qui bande entre