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deux autres un simple duvet. Quand elle ont ouvert à la fois ma touffe noire et mon pucelage, elles se sont mises à rire, mais à rire ! Un pucelage avec du poil autour, elles n’avaient jamais vu ça. Crois-tu qu’elles en ont fait une ronde autour de moi et, comme les petites filles sont capables de répéter deux cents fois la même connerie, elles répétaient sans cesse : « La pucelle à barbe ! la pucelle à barbe ! la pucelle à barbe ! la pucelle à barbe ! »

« J’en pleurais de rage en racontant cette scène le soir à maman ; et peu de choses ont eu plus d’importance dans ma vie, car maman trouva que mes petites copines avaient deux fois raison.

« Elle me dit d’abord que j’avais trop de poils pour mon âge. Et tu ne te figures pas ce que maman est capable de faire pour moi ! Crois-tu qu’elle a eu la patience de me raser pendant trois ans ! Ce n’était pas une petite affaire, puisque j’ai du poil partout, sous les bras, sur le ventre, sur le chat, sur les cuisses et jusque dans la raie des fesses. À quinze ans j’avais encore la motte rasée comme une sultane, et tout le monde trouvait ça joli, aussi bien les gousses que les hommes. Je ne sais pas pourquoi on n’en fait pas autant à Ricette.

« Ensuite, quand maman a vu comme j’étais honteuse d’être encore pucelle et que toutes les petites filles se foutaient de moi pour ça, elle m’a promis de chercher quelqu’un, sachant très bien que je ne me ferais jamais dépuceler moi-même.

« Mais d’abord… est-ce que tu as déjà dépucelé des filles, toi ?