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gratitude que tous les amants connaissent.

« J’aime tes seins », lui dis-je en les caressant.

Et je n’avais dit que cela et j’espère que j’allais trouver quelque chose de mieux, quand elle m’interrompit avec une exclamation de surprise :

« Oh ! que tu es gentil ! C’est maintenant que tu aimes mes seins, mon chéri ? Tu viens d’enculer la pauvre Charlotte et tu n’en es pas dégoûté ?

— Dégoûté ? mais tu es folle.

— Si tu savais ce que c’est que la vie d’une putain…

— Je t’avais défendu de te traiter ainsi.

— Alors qu’est-ce que je suis depuis douze ans qu’il me passe tous les jours quatre ou cinq hommes sur le derrière et que n’importe quelle gousse peut me frotter son cul sur la gueule ? Si je te dis que toutes les putains se branlent, c’est qu’elles ont des raisons pour ça. Quand on fait le métier, on se branle ; autrement on ne jouirait guère. En tout cas, on sait une chose, c’est que quand on a tout fait pour plaire à un homme et qu’il a fini de décharger, on n’est plus qu’une putain et une fille de putain.

— « Ma pauvre Charlotte », comme tu dis, je t’assure que…

— Et je ne suis pas habituée qu’on me fasse des compliments sur mes nichons quand on vient de m’enculer, voilà. »

Elle avait encore les larmes aux yeux. Je ne savais que lui répondre. L’aimais-je assez pour me faire aimer d’elle ?

Afin de me laisser le temps de la réflexion et