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leur présence. Je les aurais voulues au diable pour un quart d’heure.

Dessinons tout d’abord le groupe tel qu’il se forma.

Ricette couchée sur le dos, Teresa enjamba son visage et tête-bêche avec sa fille elle s’offrit à moi dans la posture ouverte que j’ai décrite un peu plus haut.

Le saphisme double et simultané n’est pas apprécié de toutes les lesbiennes. L’homme qui baise peut seul donner la volupté en goûtant la sienne sans perdre la tête. Aux approches du plaisir, la femme est incapable de diriger le spasme qu’elle voudrait donner en échange. Aussi, de deux amies qui se placent tête-bêche, il n’y en a qu’une qui jouit ; mais, comme le cœur des femmes damnées est semblable au cœur des saintes, la lesbienne qui fait jouir et qui ne reçoit rien est la plus heureuse des deux.

Une autre nuit, et dans une telle posture, la langue de Teresa eût mis en une minute Mauricette hors de combat. Cette fois, rien ne pressait, tout au contraire. Teresa ne donna que de vagues baisers et laissa Ricette en pleine possession de ses facultés actives. J’attendis…

La petite écartait des deux mains les poils et les lèvres ; elle relevait la tête avec effort, précipitait et appuyait sa langue autant que possible pour hâter le moment où elle me dirait… car ce fut elle-même qui me dit :

« Viens, maintenant. »

Les larges gouttes de pluie qui annoncent l’orage commençaient à pleuvoir sur les joues