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X

Quand je rouvris les yeux, Teresa rentrait, toujours toute nue, et ramenant avec elle Lili ; une Lili nouvelle pour moi, une Lili en chemise de nuit, avec une petite natte dans le dos ; une Lili qui dormait debout.

Elle la plia sur un fauteuil comme une poupée et vint me dire à l’oreille, mais en accentuant chaque syllabe :

« Laisse-moi faire. C’est ma fille. Je l’élève comme je veux. Si tu m’insultes devant cette gosse de dix ans, ou si tu l’empêches de m’obéir, je ne te le pardonnerai jamais. »

Phrases superflues, car je ne pensais à rien. Je me sentais abruti. Je n’avais aucun dessein, ni bienveillant ni hostile.

Teresa fit lever la petite du fauteuil où elle avait l’air de se rendormir, et elle l’éveilla tout à fait en quelques mots :

« Montre-nous comme tu t’éveilles bien quand tu vois un homme. Allons ? Une ! Deux ! Trois ! On ne dort plus ?

— Non, maman.

— Eh bien ? et qu’est-ce que doit faire une petite fille quand elle est en chemise devant un monsieur ? »

Comme si on lui rappelait une maxime de la Civilité puérile et honnête. Lili, avec un sourire très drôle, leva sa chemise jusqu’à la ceinture et ouvrit un peu les pattes. Puis elle me sauta au cou et, gentille, un peu grondeuse :