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— Oh !… alors on voit bien que vous ne les connaissez pas !



Giguelillot déjeuna fort tranquillement, fit à plusieurs amis l’aveu confidentiel de son départ pour une enquête, afin que cela fût immédiatement répété au Roi. Puis il sortit, seul et sans canne.

Devant l’hôtel de la préfecture, sur la planche d’un banc public, il aperçut la belle Thierrette, qui, les deux mains croisées en poing et le corps courbé en cerceau, posait, sans en avoir conscience, pour la statue monumentale du Découragement silencieux.

Il la releva par le menton.

— Eh bien, pauvre Thierrette, cela ne va pas ? dit-il.

— Ah ! monsieur je ne peux pas suffire… Ce n’est pourtant pas faute de bonne volonté… J’y mets tout mon cœur, vous savez… je me mets en quatre pour contenter… mais il y a trop d’ouvrage… Je vais demander mon compte.

— Déjà ? Déjà ? Comment, toi, une forte fille, avec tes muscles et ta santé, tu ne peux pas crier : « Vive l’armée ! » pendant deux jours de suite ?