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neurs, et prit doucement place dans son trône.

Hélas ! il prévoyait bien que l’éloquence officielle devrait être, ce jour-là, reçue comme un fléau divin.

Mais la Ville entendait flatter ses préférences, et le premier de tous les discours fut fait par un homme du peuple.

— Sire, dit cet orateur, nous vous aimons bien, nous, les gueux, les gens sans cabane. Quand on nous trouve étendus au pied d’un mur ou sur la planche verte d’un banc, en train de dormir ou d’aimer, on ne nous envoie pas en prison pour nous punir de n’être pas riches. Quand nous n’avons que deux sous pour nous acheter du pain, la loi ne nous force pas d’aller voler six francs pour nous acheter un pantalon. Quand nous n’avons ni sou ni maille, nous savons que nous pouvons entrer dans les boulangeries royales où vous faites donner de quoi vivre aux loqueteux que la faim travaille. Enfin, tant que nous ne faisons rien contre ceux qui nous laissent passer, nous avons le droit d’être gueux et de ne pas mourir tout de même… On ne voit cela que dans notre pays. Le Roi Pausole est un brave homme.

Pausole étendit la main.

— Ce discours me plaît beaucoup. Qu’on donne