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mais, car elle seule donnait par contraste une sensualité supérieure à la paix de ses fainéantises.

Il avait le sentiment de l’irréparable quand il fermait une fenêtre. Choisir un fruit, une femme ou une cravate le frappait d’une perplexité qui ressemblait à une angoisse. Jamais il ne déchirait un papier, même une enveloppe, de peur de regretter plus tard une détermination si inconsidérée. À peine avait-il exprimé un désir ou dicté un ordre, il arrêtait aussitôt ceux qui se pressaient d’obéir et il avait des « Attendez. Ce n’est pas le moment », des « Nous verrons plus tard » et des « Laissons cela » qui maintenaient son existence dans le circonspect et le provisoire, tant il redoutait le définitif.

Il le redoutait ; mais pour lui seul. Par une sorte de revanche sur son hésitation intime, il discernait le devoir des autres dans une clairvoyance tout à coup péremptoire et rendait ses arrêts publics avec une décision remarquable. Un singulier résultat de cette assurance devant la chicane était la réputation d’infaillibilité qui exaltait sa justice. — La confiance personnelle se fait aisément partager ; et rien n’est plus dangereux pour un supérieur que de méditer avant de répondre. — Pausole ne méditait jamais sous l’arbre de ses