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n’en sera pas plus riche si elle lui donne un enfant, mais qu’elle en sera beaucoup plus pauvre ; et nous ne pourrons jamais lui faire comprendre ce qu’il y a de faux dans son raisonnement. Aussi la flattons-nous d’une espérance tout autre. Ce que nous lui disons et ce qu’elle comprend tout de suite, c’est que le plaisir suprême des riches appartient aux plus misérables : l’amour pour lequel on entasse les fortunes et qui les fait écrouler ne se perfectionne pas en montant. Dès qu’une ouvrière sait être une amante, elle peut se dire qu’elle ignore toutes les joies de la vie, excepté la plus intense — car celle-là, elle l’embrasse, et la tient !

— Certes oui.

— C’est pourquoi notre ambition est satisfaite quand nous savons qu’après avoir lu telle de nos brochures, le soir, en quittant l’atelier, la modiste ou la ravaudeuse passe dans la chambre voisine et entre dans la vie grâce à nous. Car désormais nous savons que ses heures de travail seront pleines d’un souvenir et allégées par un espoir. Nous savons que sa journée ne sera pas tout entière sous le poids d’une tâche sans récompense ; que son lit paraîtra moins rude et sa chambre moins froide en hiver si elle referme ses jambes nues sur un être qu’elle chérit. Puisse-t-elle en