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soir, j’ai un rendez-vous que je ne puis manquer, croyez-moi.

— Une femme ? Ne craignez rien, je ne vous poserai pas de questions. Soyez libre. Je vous sais même gré de passer avec moi le temps qui vous sépare de l’heure fixée. Quand j’avais votre âge, je ne pouvais voir personne pendant mes journées mystérieuses. Je me faisais servir mes repas dans ma chambre, et la femme que j’attendais était le premier être à qui j’eusse parlé depuis l’instant de mon réveil. »

Il se tut un instant, puis, sur un ton de conseil :

« Ah ! Monsieur ! dit-il, prenez garde aux femmes ! Je ne vous dirai pas de les fuir, car j’ai usé ma vie avec elles, et si ma vie était à refaire, les heures que j’ai passées ainsi sont parmi celles que je voudrais revivre. Mais gardez-vous, gardez-vous d’elles ! »

Et comme s’il avait trouvé une expression à sa pensée, don Mateo ajouta plus lentement :

« Il est deux sortes de femmes qu’il ne faut