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quitter mon couvent d’Avila. Je vous aimais d’abord parce que vous êtes beau. Vous avez des yeux si brillants et si tendres qu’il me semblait que toutes les femmes avaient dû en être amoureuses. Si vous saviez combien de nuits j’ai pensé à ces yeux-là. Mais ensuite je vous ai aimé surtout parce que vous êtes bon. Je n’aurais pas voulu lier ma vie à celle d’un homme égoïste et beau, car vous savez que je m’aime trop moi-même pour accepter de n’être heureuse qu’à moitié. Je voulais tout le bonheur et j’ai vu bien vite que si je vous le demandais, vous me le donneriez.

— Mais alors, mon cœur, pourquoi ce long silence ?

— Parce que je ne me contente pas de ce qui suffit à d’autres femmes. Non seulement je veux tout le bonheur, mais je le veux pour toute ma vie. Je veux vous épouser, Mateo, pour vous aimer encore quand vous ne m’aimerez plus. Oh ! ne craignez rien : nous n’irons pas à l’église, ni devant l’alcade. Je suis bonne chrétienne, mais Dieu protège les amours