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Le roi en fut d’abord assez ému pour ne plus savoir ce qu’il voulait dire. Le système de ses questionnaires put seul le tirer d’embarras.

« J’ai demandé à tes sœurs ce qu’elles savaient le mieux. L’une m’a fort bien répondu sur la pudeur et l’autre sur la morale ; mais toi ? qu’est-ce que tu sais le mieux ? »

Prima lui dit à l’oreille, les deux bras autour du cou :

« Ce que je sais le mieux ce soir, c’est de te faire bander.

— Est-ce donc là une science ?

— C’est un art que de faire raidir un vit sans y toucher. L’art dont je n’ai pas d’expérience mais dont je sais bien les secrets, est l’Art d’Amour.

— Prouve-le moi.

— Jusqu’à demain matin.

— Combien l’amour a-t-il de secrets ?

— J’en sais mille et j’en inventerai bien davantage ; mais les secrets d’amour ne se disent pas autre part que sur le lit. »

Le roi commençait à comprendre que l’aînée de ses douze filles était trop forte pour lui. Prima entendit sa pensée ; sachant qu’une amoureuse ne doit pas intimider ce qu’elle séduit, elle se jeta sur la couche, y entraîna le roi et se dévêtit en un tour de main, sans presque se dévoiler, car elle s’étendit sur lui corps à corps et ne montra que ses seins, mais fit sentir le reste.

« Prima, dit le roi, tu es trop belle. Je ne saurais demeurer plus longtemps dans l’état où tu m’as mis.

— Ne crains rien. Le premier secret de l’amour est de faire bander. Le second est de laisser bander.

— Cela est plus prudent.

— Non, non, je suis sûre de moi. Déjà tu m’aimes assez