Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tu as perdu nos tablettes. Aurais-tu jamais oublié que l’amour de Rhodis est à toi, ou peux-tu penser, méchante, que tu aurais jamais lu seule cette ligne écrite par ma main ? Suis-je une de ces mauvaises amies qui gravent sur leur ongle le nom de leur sœur de lit et vont s’unir à une autre, quand l’ongle a poussé jusqu’au bout ? As-tu besoin d’un souvenir de moi quand tu m’as tout entière et vivante ? A peine suis-je au temps où les filles se marient, et cependant je n’avais pas la moitié de mon âge le jour où je t’ai vue pour la première fois. Tu te rappelles bien. C’était au bain. Nos mères nous tenaient sous les bras et nous balançaient l’une vers l’autre. Nous avons joué longtemps sur le marbre avant de remettre nos vêtements. Depuis ce jour-là nous ne nous sommes plus quittées, et, cinq ans après, nous nous sommes aimées. »

Myrtocleia répondit :

« Il y a un autre premier jour, Rhodis, tu le sais. C’est ce jour-là que tu avais écrit ces trois mots sur mes tablettes en mêlant nos noms l’un à l’autre. C’était le premier. Nous ne le retrouverons plus. Mais n’importe. Chaque jour est nouveau pour moi, et quand tu