Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/331

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ture et ouvrit la porte principale sur l’avenue déserte du Drôme…


Soudain il s’arrêta sur le seuil, stupéfié par la lumière immense des midis de la terre africaine.

La rue devait être blanche et les maisons blanches aussi, mais la flamme du soleil perpendiculaire lavait les surfaces éclatantes avec une telle furie de reflets, que les murs de chaux et les dalles réverbéraient à la fois des incandescences prodigieuses de bleu d’ombre, de rouge et de vert, d’ocre brutal et d’hyacinthe. De grandes couleurs frémissantes semblaient se déplacer dans l’air et ne couvrir que par transparence l’ondoiement des façades en feu. Les lignes elles-mêmes se déformaient derrière cet éblouissement ; la muraille droite de la rue s’arrondissait dans le vague, flottait comme une toile, et à certains endroits devenait invisible. Un chien couché près d’une borne était réellement cramoisi.

Enthousiasmé d’admiration, Démétrios vit dans ce spectacle un symbole de sa nouvelle existence. Assez longtemps il avait vécu dans la nuit solitaire, dans le silence et dans la