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jambes sont devenues subitement légères. Le vent qui souffle des solitudes sablonneuses l’entraîne avec précipitation vers les solitudes ondoyantes où s’aventure la jetée. Mais à mesure qu’il avance, le Phare recule devant lui ; la jetée s’allonge interminablement. Bientôt la haute tour de marbre où flamboie un bûcher de pourpre touche à l’horizon livide, palpite, baisse, diminue, et se couche comme une autre lune.

Démétrios marche encore.

Des jours et des nuits semblent avoir passé depuis qu’il a laissé dans le lointain le grand quai d’Alexandrie, et il n’ose retourner la tête de peur de ne plus rien voir que le chemin parcouru : une ligne blanche jusqu’à l’infini et la mer.

Et cependant il se retourne.


Une île est derrière lui, couverte de grands arbres d’où retombent d’énormes fleurs.

L’a-t-il traversée en aveugle, ou surgit-elle au même instant, devenue mystérieusement visible ? Il ne songe pas à se le demander, il accepte comme un événement naturel l’impossible…