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seau, par le compas et par l’épée ! — plus loin encore le Delta fendu par les sept langues du Nil, Saïs, Boubaste, Héliopolis ; puis, en remontant vers le sud, le ruban de terre féconde, l’Heptanome où s’échelonnaient le long des berges du fleuve douze cents temples à tous les dieux ; et, plus loin, la Thébaïde, Diospolis, l’île Éléphantine, les cataractes infranchissables, l’île d’Argo… Meroë… l’inconnu ; et même, s’il était permis de croire aux traditions des Égyptiens, le pays des lacs fabuleux d’où s’échappe le Nil antique, si vastes qu’on perd l’horizon en traversant leurs flots de pourpre, et si élevés sur les montagnes que les étoiles rapprochées s’y reflètent comme des fruits d’or, — tout cela, tout, serait le royaume, le domaine, la propriété de la courtisane Chrysis.

Elle éleva les bras en suffoquant, comme si elle pensait pouvoir toucher le ciel.


Et dans ce mouvement elle vit passer, avec lenteur, à sa gauche, un vaste oiseau aux ailes noires, qui s’en allait vers la haute mer.