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de marbre blanc. On frémit de penser qu’elle marchait sans bottines, de sorte qu’on ne pouvait baiser ses pieds nus comme on fait ceux de Faustine, plus doux que des mains. Et pourtant je lui trouvais tant de charmes, que près de son corps brun j’oubliai tout un mois Rome, et l’heureuse Tyr, et Alexandrie. »

Naucratès approuva d’un signe de tête et dit après avoir bu :

« Le grand événement de l’amour est l’instant où la nudité se révèle. Les courtisanes devraient le savoir et nous ménager des surprises. Or il semble au contraire qu’elles mettent tous leurs efforts à nous désillusionner. Y a-t-il rien de plus pénible qu’une chevelure flottante où l’on voit les traces du fer chaud ? rien de plus désagréable que des joues peintes dont le fard s’attache au baiser ? rien de plus piteux qu’un œil crayonné dont le charbon s’efface de travers ? À la rigueur, j’aurais compris que les femmes honnêtes usassent de ces moyens illusoires : toute femme aime à s’entourer d’un cercle d’hommes amoureux et celles-là du moins ne s’exposent pas à des familiarités qui démasqueraient leur naturel. Mais que des courtisanes, qui ont le lit pour