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le plus qu’ils purent et se retirèrent quand il cessa. Le lendemain, il y en eut bien plus encore, et des loups, et des hyènes, des serpents droits sur leur queue.

« Si bien qu’après fort peu de temps les animaux venaient eux-mêmes le prier de jouer pour eux. Il lui arrivait souvent qu’un ours vînt seul auprès de lui et s’en allât content de trois accords merveilleux. En retour de ses complaisances, les fauves lui donnaient sa nourriture et le protégeaient contre les hommes.

« Mais il se lassa de cette fastidieuse vie. Il devint tellement sûr de son génie et du plaisir qu’il donnait aux bêtes qu’il ne chercha plus à bien jouer. Les fauves, pourvu que ce fût lui, se trouvaient toujours satisfaits. Bientôt il se refusa même à leur donner ce contentement, et cessa de jouer, par nonchalance. Toute la forêt fut triste, mais les morceaux de viande et les fruits savoureux ne manquèrent pas pour cela devant le seuil du musicien. On continua de le nourrir et on l’aima davantage. Le cœur des bêtes est ainsi fait.

« Or, un jour qu’appuyé dans sa porte ouverte il regardait le soleil descendre derrière