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la Rivière Noire, pour demander la grâce d’une pauvre esclave fugitive. Tiens, ma bien-aimée, prends cette branche fleurie de citronnier, que j’ai cueillie dans la forêt ; tu la mettras, la nuit, près de ton lit. Mange ce rayon de miel ; je l’ai pris pour toi au haut d’un rocher. Mais, auparavant, repose-toi sur mon sein et je serai délassé. »

N’est-ce pas ravissant ? Ah ! si tout était comme cela !

J’ai été trop dur tout à l’heure. D’autres passages me reviennent en mémoire qui valent bien celui-là. Entre autres, le dialogue entre Paul et le vieillard, qui est de toute beauté. Mais il faut dire aussi que c’est absolument en dehors du roman et que cela fait partie des grandes tirades dont j’avais parlé plus haut.

J’en ai trop dit sur Paul et Virginie. Reposons-nous un peu en parlant d’un autre roman moins sévère et moins compassé que Paul et même que Virginie, mais plus vrai au fond, malgré la forme de conte que son auteur a adoptée. Je veux parler de Chiffon.

Eh bien ! Chiffon, n’en déplaise à Bernardin de Saint-Pierre, c’est ravissant. C’est joli… joli comme une comédie de Musset. Et, au fait, quand j’y réfléchis, c’est un peu le même genre d’esprit, fin, enjoué, et profond. Avec cela, un tout petit brin de malice et d’enfantillage, qui ne gâte rien. Chiffon, Coco, Tournapoint, le roi, en voilà des