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— Hier, au théâtre Beaumarchais, matinée d’inauguration du théâtre mixte. On a joué Caïn, vieille pièce de Grandmougin. La petite bête, lever de rideau en un acte de Paul Fort ; François Villon, nullité en un acte aussi, de Louis Germain ; et Kallisto, chef-d’œuvre de Joseph Gayda.

Dire quelle exaltation j’ai eue jusqu’au soir, et quelle envie de brocher en quinze jours la légende de Joseph ! Ah ! tous les vers chantaient dans mon oreille, des scènes s’ébauchaient, des actes s’éclairaient davantage… Quand ferai-je tout cela ? Et ma licence ? Et la Vierge ?

Je n’ai le temps de rien.


17 octobre 1890.

Encore une fièvre d’écrire et un nouveau plan de poème, pour avoir entendu un opéra. Hier soir, c’était Sigurd et Rose Caron, tous deux inconnus pour moi. Je ne sais si c’est la grandeur de la musique ou la divinité de l’artiste, mais le libretto me crispa, quelle action ! et quels vers ! (Dieu que la musique est belle, pure et forte et vierge et sauvage, forgée comme un fer de lance.) Et je me disais sans cesse : quand donc est-ce qu’on chantera des vers qui soient des vers, quand donc est-ce qu’on écrira des cavatines et des duos dignes de s’étaler dans les anthologies entre les sonnets et les tierces rimes, et qui nous donnera des Quinault qui soient des Heredia et des Mallarmé !