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d’or, j’ai retrouvé Tausserat qui m’a appelé, tandis que je traversais la salle pour descendre au sous-sol. Il était entre Moréas et une femme, jadis jeune. Au bout de quelques minutes est arrivé Goudeau, en tube et redingote, qui sortait comme moi de l’Opéra-Comique. Tous je les voyais (sauf le Grec) pour la première fois. Tausserat m’a présenté à Moréas qui m’a royalement tendu la main. Au bout de quelques minutes, tout le monde est descendu et la séance a commencé, mais c’était tellement nul que je les ai lâchés et je suis rentré dans la salle de l’Opéra-Comique aux premières notes du duo de Magali ; j’ai entendu les deux derniers actes. Près de moi une jeune fille, habitante du Marais, menée par exception au théâtre par une vieille amie, et qui disait tout haut son opinion. J’écoutais le public dans sa bouche : le Maître de Chapelle « manquait d’émoustillant ; pièce convenable pour les demoiselles ». Colombine « gentil, joli ». Dans Mireille, elle n’écoutait que le drame et se fâchait contre les personnages. À la fin du second acte, quand Mireille est traînée à genoux par son père : « Eh bien, et le fiancé ? il ne fait rien pour la défendre !… sans cœur, va ! » Et au IIIe acte, quand Ourias lève son épieu : « Oh ! il va le tuer… ? Oh !… oh !… eh ben, c’est pas raisonnable. » — Et dire que ce sont ces têtes-là qui jugent les pièces de théâtre ! Quel honneur pour un poète qu’un four retentissant !