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nières limites l’abîme d’éblouissement vaste, insondable ; au son religieux des altos l’Éden pudique et nu s’éveille mollement, pendant que des arpèges délicats promenés sur la corde haute des contrebasses bercent comme des rameaux balancés « la vie d’ombre et pleine de murmures ». Puis le violoncelle reprend, comme la voix d’un invisible adorateur, pour chanter la chair de la femme apparue, « l’argile idéale », et pour demander, — « tant l’âme est vers ce lit mystérieusement poussée, — si cette volupté n’est pas une pensée » ; mais autour de la femme silencieuse, la flûte coule, le hautbois vibre, et la forêt se rassérène.

Un champ de blé, des meules, et « des moissonneurs couchés faisant des groupes sombres » ; des hauteurs du ciel un solo de violon descend, comme le Benedictus de la messe en ré ; c’est la Nuit sur Ruth et Booz. Tout à coup, le tube caverneux rugit parmi l’essoufflement des contrebasses ; et l’image du Titan se dessine, dans le souterrain qui monte vers l’Olympe. Pour rappeler « la décadence de Rome », le seul susurrement de la flûte suffit et l’on voit, aux lèvres doublement savantes des vicieuses tibicines, l’instrument délicat dont elles jouaient sur le théâtre, presque nues, pour traîner vers leur sottise la faiblesse des jeunes hommes. — Le son du cor, qui rappellera-t-il, sinon le neveu du grand Karl ? « Je m’appelle Roland, pair de France », dit-il. Et le son de la harpe, quoi, sinon