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précipices, ses déserts et ses champs, ses plages et ses promontoires, sa mer toujours mouvante sous le ciel toujours nuageux. C’est la nature heureusement imparfaite et inégale, et incomparable, parce qu’elle contient tout. C’est un épanouissement estival de toutes les fleurs vivantes, depuis les plus petites jusqu’aux plus monstrueuses. Chaque vers est une tige vigoureuse, élancée, alerte, au bout de laquelle fleurit la rime ; et la poussée est impérieuse, simultanée, débordante ; elles surgissent, plantes jeunes et vivaces, de tous les côtés à la fois, se mêlant les unes aux autres, se pressant, se croisant, lançant d’une touffe à l’autre des enjambements extraordinaires, creusant tout à coup des césures en des lieux inaccoutumés, et faisant resplendir des mots splendides, juxtaposés dans une effloraison imprévue. C’est d’un bout à l’autre du livre la « palpitation sauvage » du printemps qu’il avait rêvé, dans un excès de vie, dans un débordement de jeunesse vers une maturité triomphante.

3e point. — Cependant, cette forme n’est pas vide et sourde ; ce rythme inspiré par l’idée ne scande pas le silence, et des sonorités inouïes jaillissent comme un flot électrique, du bout de son bâton. Tout le quatuor se déchaîne dans l’assourdissante ouverture : le Sacre de la femme. Soutenus par la basse continue des saxophones, les violoncelles avec les avalanches d’or s’écroulent ; les violons furieux dans la lumière reculent jusqu’aux der-