Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blond ; je crois y être ; je me vois « vêtu de peaux de bêtes », couchant « sous des tentes de poil dans le désert profond ». Un peu plus tard je me vois serviteur de Booz, parmi « les moissonneurs couchés faisant des groupes sombres » ; je sens les souffles de la nuit flotter sur Galgala ; j’entends les grelots des troupeaux palpiter vaguement, je touche la terre encore mouillée et molle du déluge ; je vois le croissant fin et clair parmi les fleurs de l’ombre, et la Moabite aux pieds de Booz ; c’est à peine si j’ai à faire ici une application des sens, et il est à penser que si je vivais réellement près de Booz, je sentirais tout cela moins bien que ce soir, car les mots parlent mieux que les choses et Booz endormi m’a toujours ému avec plus d’intensité que la plus belle nuit d’étoiles. Qui m’empêche encore, avançant de huit siècles, de me mêler à l’armée de Xerxès, et d’évoquer « ceux de la mer Persique au front ceint de varechs », et « les mosques tatoués sous leur bonnet d’écorce », les tybs, nègres des bois, marchant au son des cors, — puis ceux d’Ophèr, enfants des mers mystérieuses, — puis les gours nés dans l’ombre où l’univers s’arrête, — la légion marchant à côté de la horde, — l’homme nu coudoyant l’homme cuirassé d’or.

1er point. — L’idée mère du livre, l’auteur l’a dévoilée et elle éclate à chaque page : c’est le mouvement vers la lumière. Au début : La conscience, Le parricide, L’hydre, Les temps puniques, La