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bleus, diffusant dans les profondeurs de l’église une lumière assombrie, oblique, poudreuse, qui n’arrive pas jusqu’au sol et laisse tout dans l’ombre, hors l’autel lumineux. Sur les dalles invisibles, les chevaliers bardés d’acier, croisés de pourpre, vaguement aperçus en rang un genou en terre. Sur les marches de l’autel, de marche en marche, jusqu’en haut, douze adolescents, blancs, insexués, sans ailes. Et leurs bras délicats promènent les encensoirs balancés. Et tandis que, des hauteurs de la voûte, descendent, pures et claires, des voix d’enfants. Parsifal extasié, glorieux, monte à l’autel où resplendit le tabernacle d’or, reliquaire sacré du Graal.

2e prélude (application des sens).

Je vois les armures noires ; les fers polis ; l’or des croix ; les longues dalmatiques éclatantes aux plis réguliers où les thuriféraires apparaissent radieux ; et les grands vases de l’autel, et le mystère des vitraux bleus.

Je goûte, je sens les effluves rayonnants qui montent, l’odeur religieuse des cires, l’obsédant parfum des encens.

Je touche ces dalles du genou, ces piliers de la main ; je suis bien là, je me palpe moi-même.

Et j’entends les voix chantantes, les notes enfantines s’élever vers la nef et descendre jusqu’à moi ; et j’entends les trois thèmes de l’orgue, toute la symphonie déroulée.