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dis que le seul Bonheur est ceci : savoir que Dieu existe. Dès qu’on sait cela, tous les malheurs de la vie, fussent-ils affreux, disparaissent. »

Mais je ne puis dire ce qu’il m’a dit ensuite sur ses projets. Le malheureux se perd. Il tombe dans l’ordure. Qui le tirera de là !

Comme il me parlait avec indignation du c..tifiant Leconte de Lisle, Tailhade est entré.

« Bonjour, maître. Vous êtes donc sorti de Cochin ?

— Oui, depuis deux jours.

— Où demeurez-vous ?

— … Je ne demeure pas. Je loge à la nuit. »

Et en ce moment il lui parle bas, et je vois Tailhade demander au garçon de la monnaie de cent sous, sur lesquels il en donne vingt à Verlaine. Et le pauvre vieux le remercie, tout ému. Quand Tailhade est parti, il ouvre son porte-monnaie, qui contient 1 fr 10.

« C’est toute ma fortune, Monsieur. Et demain ? Oui, à un certain point, Monsieur, la pauvreté est sainte, vraiment sainte. Il y a une heure, dans un café, un garçon, Monsieur, un garçon a refusé de me servir parce que j’étais trop mal mis ; il disait que je relevais de l’Assistance publique ».

J’ai rendez-vous demain avec lui, 4, rue de Vaugirard. De là, nous irons chez Pirou et je le ferai photographier.