Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passée près d’elle. Aujourd’hui, s’il me fallait le faire ? sans relire ce que j’ai écrit ici, tous mes souvenirs tiendraient en deux pages.

Cette imperfection de la mémoire, c’est une diminution de la vie, qui me semble considérable. Car je vis peu dans le présent ; le passé me charme et l’avenir m’attire, je vis dans le rêve et le souvenir. Mes vraies joies, je les éprouve en me rappelant les joies anciennes ; et toutes celles qui s’effacent de ma mémoire, c’est autant de bonheur que je n’aurai pas.


Mardi, 24 juin.

rentrée dans l’art

Je sors de chez Mallarmé. J’étais allé chez lui jeudi, sans le connaître, dès que l’idée d’une anthologie m’était venue, et sur sa réponse que « non seulement il m’approuvait et me soutiendrait, mais qu’il me promettait l’appui de tous ses amis », je m’étais senti tout de suite attiré vers lui, et j’ai été enchanté quand il m’a invité à venir au premier de ses mardis (aujourd’hui).

J’y suis venu. Régnier était là, et quelques autres, parmi lesquels Tausserat. Mallarmé pontifie d’une façon insupportable. Régnier a une tête en mâchoire de cheval. Tous me déplaisaient. J’allais sortir très désappointé quand un jeune