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fini, puisque ce regard mobile et franc ne se croisera plus avec le mien, pourquoi le rechercher encore, et supplier pour l’irréalisable ?

Samedi, avant le dîner chez ma tante, j’avais vu sur les menus préparés un nom à la gauche du mien, sans y attacher d’importance, puis je suis rentré dans le salon. Elle est arrivée, elle, avec sa sœur, au bout de peu de temps, et tout de suite, je l’ai remarquée, mais comme tant d’autres ; je me demandais pourtant : est-ce elle ou sa sœur qui s’appelle M… et qui dînera à côté de moi ? C’était bien elle. Nous avons causé longtemps. Elle avait une voix très simple, un peu rieuse, tendre au fond, et surtout un regard si limpide et si vivant qu’on ne pouvait fixer les yeux sur elle sans se livrer tout entier. Sa robe brun clair était décolletée en dessous, mais se prolongeait par un tulle transparent, jusqu’au cou. Ses cheveux noirs très fins et nombreux étaient nattés, la natte (assez courte), relevée sur elle-même et perdue sous un nœud sombre. Je me souviens d’avoir regardé ses lèvres épaisses…

Le lendemain, je ne la vis point.

Le surlendemain, hier, lundi, étant placée dans la sacristie non loin de moi, elle m’a lancé deux ou trois mots en riant, comme à un vieil ami. Et c’est ensuite, surtout, au lunch, c’est là que je l’ai vue ! Dès que je me suis mis à servir, — est-ce par hasard ? — elle a servi avec moi, et nous