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cela ! Il semble que c’est à vous que cela arrive, ou que cela peut vous arriver demain. Ce n’est pas observé comme chez Zola, c’est deviné en quelque sorte, et noyé dans un épanchement de larmes vraies, de douleurs senties.

Est-ce plus fort vraiment que le Bonheur des Dames ?

Je crois que oui. Peut-être est-ce parce que je viens de le lire.

C’est plus ému, c’est plus senti. Zola assiste à son intrigue en spectateur indifférent. Loti pleure avec vous. Il croit à ce qu’il raconte et l’on y croit après lui. Et puis, cette poésie toujours, cette grâce partout. Cette délicatesse dans les sentiments, cette exquise douceur dans les mots.

« Aue, Loti ! » s’écrie Rarahu en se jetant dans ses bras après dix mois d’absence.

Pêcheur d’Islande est beaucoup plus fort que le Mariage. Le style s’est formé, s’est raffermi, a pris du corps ; il n’est plus gracieux sans raison, comme inconsciemment, il a maintenant des images neuves, des métaphores imprévues, des mots pittoresques, d’admirables descriptions.

Il y a huit ans, jamais Loti n’aurait décrit la mer d’Islande comme il l’a fait cinq ans plus tard. Jamais il n’aurait trouvé ces mots ternes, grisâtres, mourants, sans couleur, sans force, pour peindre le ciel de ces régions polaires. Jamais il n’aurait trouvé cette idée superbe du soleil cou-