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Et quand elle a avoué à la fin : « C’est fait… c’est fait… J’ai dit… J’ai tout dit… C’est fini ! »

La scène du quatrième acte est la plus belle. Quand elle a demandé à Scarpia le sauf-conduit que celui-ci écrit sur une table à l’écart, elle s’avance, épuisée, vers la table pour prendre un verre d’eau. Elle va céder, elle va se livrer, elle est à bout de forces. Mais, avant que le verre ait touché ses lèvres, ses yeux ont rencontré le grand couteau qui est sur la table, et sont devenus soudain d’une fixité effrayante. Le couteau la fascine, l’attire, invinciblement. Elle qui était affaissée se dresse peu à peu et grandit, grandit… Sa main glisse sur la table, lentement, lentement, et ses yeux sont de plus en plus grands. Elle a saisi le couteau, elle le ramène doucement encore et le cache derrière elle. Scarpia arrive et lui présente le sauf-conduit. Elle, alors, se transfigure ; son visage prend une expression de joie atroce, admirable, et elle lui plonge le couteau dans la poitrine avec un rugissement de bête : « Aaaaach !… »

Oh ! Il me semble que je la verrai toujours dans ce mouvement !

« Meurs, rugit-elle, meurs, misérable, meurs, assassin ! Meurs tué par moi, meurs de la main d’une femme ! Meurs !… meurs !… meurs !… »

Elle s’est courbée sur lui, surhumaine ! et lui crie cela à l’oreille d’une voix horrible.

« Et maintenant je te tiens quitte ! »