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Et cela sans rencontrer sur mon chemin une femme, une seule, qui fasse attention à moi, qui daigne me sourire autrement que par politesse, qui me presse la main comme une amante et non comme une amie, sans rencontrer une femme qui m’aime, moi qui les aime tant[1] !

Je me trompe. Une petite fille, presque une jeune fille, plus tard une femme, m’aime et m’aime beaucoup, j’en suis convaincu. C’est une passionnette, comme dit Goncourt[2]. Cela m’étonnerait si cette passionnette ne grandissait pas jusqu’à devenir une passion vraie, quand l’enfant sera devenue femme.

Et moi aussi je l’aime, ma petite Jeanne ; je l’aime beaucoup. Je l’aime d’abord parce que je me sens aimé, ensuite parce qu’elle est on ne peut plus affectueuse, et bonne, et charmante pour moi, enfin, il faut bien l’avouer, je l’aime parce qu’elle est jolie.

Elle a tout pour elle, Jeannette, un caractère charmant, une intelligence très développée, et surtout elle a la beauté.

Lorsqu’une femme à la beauté, à la grâce, joint la bonté, n’est-on pas en droit de dire que c’est

  1. Mais, mon pauvre gosse, tu es maboul ! Tu auras cent fois trop de femmes dans ta vie ! Et ton chagrin sera d’être aimé par celles que tu n’aimeras pas. Quant à celles que tu aimeras, aucune d’elles ne te dira non.
  2. Qu’est-ce que Goncourt vient f. ici ?