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sur elle, de peur de faire tomber au premier contact la fleur impondérable de sa beauté.

Et elle le regardait ! De quels yeux solennels ! Les femmes regardent l’Amour parfois comme elles regarderaient la Mort, avec les terreurs de l’Au-delà inconnu. Il semble qu’à l’instant de céder, leur avenir terrestre se partage comme leur avenir éternel, entre la menace d’un enfer et l’éblouissement d’un paradis. Psyché avait l’âme trop faible pour l’émotion de cette heure suprême. Elle étouffa. Ses paupières battirent. Elle voulut dire un mot qu’elle ne put prononcer ; elle se pencha en arrière, puis en avant, comme entraînée par le tangage du wagon en marche, et tomba, frémit, fondit en larmes.

Aimery l’avait reçue dans ses bras respectueux. Soucieux avant tout de ne pas l’effaroucher, il ne l’étreignait pas, il la soutenait à peine. Qu’avait-il besoin de céder à sa hâte ? Psyché était prisonnière, liée à la fuite irrésistible du train qui tonnait comme un orgue nuptial dans la nef du tunnel de pierre ; et ces lumières, ces vagues fumées qui s’allumaient sous les voûtes sonores étaient les cierges et l’encens de leur mariage mystérieux… Elle serait à lui. Pourquoi brusquer sa joie ? Il soutint Psyché d’un seul bras sous l’épaule secouée de frissons et posa doucement l’autre main sur une main abandonnée.

« Psyché, lui dit-il, de la voix la plus tendre, je ne puis plus vous entendre pleurer. Je vous donnerai tout ce que vous voudrez de ma vie et de mes