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— Il n’y a pas de honte à craindre Satan. Un homme se défend contre un homme, il ne se bat pas contre un fléau. Ce n’est pas montrer une âme faible que de s’enfuir devant l’orage, ma fille, ou devant l’amour, car nos bras humains ne sont pas assez forts pour lutter contre le feu du ciel, ni contre celui de l’abîme.

— Si je n’essaie même pas de lutter, mon père, qu’arrivera-t-il de moi quand je reviendrai d’exil ? Je le rencontrerai fatalement. Il m’aimera peut-être encore… Si longue que soit mon absence, j’ai vu des passions durer plus longtemps que tous les voyages…

— Partez ce soir. Il n’est que temps. Je vous suggère ce départ à titre de conseil et, s’il le faut, je vous l’impose affectueusement à titre de pénitence. Vous allez rentrer, faire vos malles ; cinq heures sont à vous, cela suffit. On vous attend à la gare d’Orsay, allez à la gare de Lyon. On part pour la Bretagne, partez pour l’Italie. Allez prier à Saint-Jean de Latran, et veuille l’apôtre bien-aimé vous arracher à l’amour coupable par la grâce de l’amour divin ! Élevez votre cœur vers Dieu ! toute passion n’est due qu’à lui. Partez ce soir et quand vous sentirez fermement que vous pouvez revenir sans danger, venez à moi dès votre retour. Je veux apprendre par vous-même que vous êtes sauvée du mal…

— Vous l’exigez, mon père ? Je me soumets, » dit Psyché.