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Un scrupule ! Peut-être une rêverie ! Un péril que vous éviterez et qui sera un bien pour votre salut. Tentationem du mihi, Domine ! Donne-moi la tentation, Seigneur ! criait saint Jérôme, puisque tu m’as donné la force de la repousser. Voyons, parlez à cœur ouvert. »

Elle parla. Ce fut très long. Elle voulut conter toute la scène du pare, prétendant que si l’abbé n’en connaissait pas les détails il n’en pourrait estimer les conséquences. Puis elle décrivit la suite de ses sentiments, revint en arrière sur son passé, exprima ses craintes pour l’avenir, parla de sa faiblesse et de son isolement…

L’abbé l’écoutait d’une oreille parfois distraite, en homme pour qui ces aventures ne sont pas aussi imprévues qu’on voudrait l’en persuader. Il hocha la tête régulièrement, pour signifier qu’il avait compris, même lorsqu’il oubliait d’entendre. Il écoutait l’essentiel.

« Oui, » fit-il d’un ton perplexe.

Puis, levant les yeux vers sa pénitente :

« Eh bien ! je ne vous dirai plus ce que je vous disais tout à l’heure. Je suis plus frappé de votre émotion, ma fille, que de votre récit. Dans ces sortes de crises, somme toute, le péril est toujours tel qu’on l’imagine, puis l’âme obéit à ses illusions plutôt qu’aux réalités. Jusqu’ici vous avez très bien refréné toutes les tentations charnelles, mais, cette fois, je vous conseille de ne pas engager la lutte.