Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle avait pu lui échapper, il y avait moins de péril à rencontrer son ombre dans le parc aérien du souvenir…

Il lui avait dit de l’Amour : « N’essayez pas de le fuir, il est tout-puissant, il a plus que la joie et plus que la douleur dans les mains… Psyché ! sentez-vous qu’il est là, entre votre main et la mienne… »

Hélas ! elle lui pardonnait tout, depuis qu’il n’était plus à craindre. Et de quoi lui en voudrais-je ? pensait-elle ; nos mains se sont touchées, rien de plus, je n’ai eu à me défendre que de sa voix, il n’a pas cherché mes lèvres, il ne m’a pas suivie quand je m’en suis allée… Mais quelle voix ! et quels yeux sur les miens… Je n’osais plus trouver son regard…

Puis, les moindres détails de cette heure si grave revenaient en désordre à sa mémoire… Sur la pierre, à côté d’elle, un inconnu avait oublié un journal quel le vent soulevait toujours dans le même sens et qui retombait comme une aile grise sans pouvoir franchir le dossier du banc… Il y avait ensuite une colonne cannelée couverte d’initiales et d’inscriptions tendres… puis un arbrisseau dont un seul bourgeon commençait à s’ouvrir et qui frémissait de sa petite feuille verte, juste au-dessus de l’horizon, perpétuellement… Loin au delà, on voyait des fumées immenses traîner sur Paris au-dessus des deux gares… et plus loin le Sacré-