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— Je ne suis pas veuve.

— Vous êtes plus libre qu’une veuve, car elle est liée à une mémoire ; plus libre qu’une femme mariée, car elle se doit à un mari ; plus libre qu’une jeune fille, car elle est soumise à des parents ou à des tuteurs. Aucune liberté n’est égale à la vôtre. Rien au monde ne peut vous retenir que vous-même.

— Ce serait assez.

— Quand l’Amour le voudra, ce ne sera rien, Psyché. L’Amour est plus fort que vous.

— Est-il plus fort que ma foi ? C’est elle qui m’a soutenue jusqu’ici contre tout. Je n’ai pas d’autre asile que le sien. Je vous en supplie, ne me le fermez pas. Que me resterait-il, si je ne l’avais plus ?

— Mais vous la garderez ! Qui parle de vous la ravir ? Votre foi vous a soutenue contre la débauche mondaine qui est une déchéance. Elle ne luttera pas contre l’Amour tel que vous l’éprouvez, tel que je le ressens, car l’Amour et la Foi ne sont qu’une même vertu, dont l’extase change de nom mais ne s’altère point. Entre Marthe et Marie vous ne choisissez pas Marthe, c’est votre foi qui vous le défend. Aimez, Psyché, vous êtes libre. Aimez à la face du monde, et cherchez dans l’Évangile un seul mot qui vous condamne ; ce mot-là, vous ne le trouverez pas.

Vous m’épouvantez. Que voulez-vous de moi ? »