Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une immense tendresse attire à travers l’ombre
Nos yeux presque fermés. Que reste-t-il encor
Du baiser qui s’apaise et du soupir qui sombre ?
La vie a retourné notre sablier d’or.

C’est notre heure éternelle, éternellement grande,
L’heure va survivre à ce fragile amour
Comme un voile embaumé de rose et de lavande
Conserve après cent ans la jeunesse d’un jour.

Plus tard, ô ma Psyché, quand des nuits étrangères
Auront passé sur vous qui ne m’attendrez plus,
Quand d’autres, s’il se peut, amie aux mains légères,
Jaloux de mon prénom, toucheront vos pieds nus,

Rappelez-vous qu’un soir nous vécûmes ensemble
L’heure unique, où les Dieux accordent, un instant
À la tête qui penche, à l’épaule qui tremble
L’esprit pur de la vie en fuite avec le temps,

Rappelez-vous qu’un soir, couchés sur notre couche,
En caressant nos doigts frémissante de s’unir
Nous avons échangé de la bouche à la bouche
La perle impérissable où dort le Souvenir.


Depuis la troisième strophe, Psyché avait pâli.

« Ce fragile amour… Plus tard… Vous ne m’attendrez plus… D’autres… Rappelez-vous… Le Temps… Le Souvenir… »

La feuille trembla dans ses mains blanches.

« Ce n’est pas vrai… Ce n’est pas lui ! Ce n’est pas lui qui a écrit cela ! »

Puis une atroce angoisse la saisit au sein. Elle