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ne s’enfonçait pas sans fermer les yeux, un petit tabouret, souvenir d’une folie, et même une chaise de la salle à manger, qu’elle avait marquée d’une soie verte pour la distinguer entre toutes.

Mais quand Aimery n’y était pas, elle l’attendait patiemment, comme elle se résignait sans peine, aux jours de pluie, avec la certitude qu’elle reverrait le beau temps.

Couchée dans sa baignoire blanche elle caressa ses petits seins bruns que nul n’avait baisés depuis leur réveil, elle regarda son ventre pur, ses jambes qui n’avaient rien à faire, et elle goûta simplement les charmes de la solitude sans demander au destin ce qu’il ne lui donnait pas…

Comme elle s’attardait au fond de son bain, une femme de chambre vint la prévenir que madame la manucure était arrivée.

Aracœli sortit de l’eau claire en étirant ses bras le long de ses hanches fines et, séchée, revint à sa chambre où elle s’allongea toute nue sur le lit.

Mme Brémondel était une ancienne infirmière qui avait un jour quitté l’hôpital pour les maisons hospitalières sans y rencontrer le succès que les internes lui avaient prédit. De déboires en déboires et de chute en chute, elle était tombée à un point où elle avait enfin compris que même en faisant argent de toute sa personne, une femme n’arrive pas toujours à gagner son pain ; et dès lors elle s’était résignée à prendre un métier honnête. Celui