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péta mentalement cet adieu qu’elle voulait dire, qu’elle ne pouvait prononcer, qui la brisait d’angoisse, s’étranglait dans sa gorge, étouffait sa poitrine serrée… mais les lèvres de l’amant touchaient déjà les siennes, et le baiser le plus ardent qu’elle eût encore reçu combattit le dernier sursaut de sa volonté fléchissante. Il lui sembla qu’elle marchait, qu’on l’entraînait lentement, dans l’ivresse continue que buvaient ses lèvres, vers le grand lit nuptial où la Princesse de la légende s’était éveillée à la vie dans les bras de son chevalier, et qu’elle s’endormait à l’amour près du même lit enchanté.

Peu à peu, les doigts qui lui soutenaient la nuque s’écartèrent. Elle comprit qu’on touchait à son col fermé, que la première agrafe s’ouvrait… Elle cria :

« Aimery !… »

Et elle lui saisit le bras.

Mais il ne luttait pas contre elle. Il attendait qu’elle cédât à ses lèvres et à ses yeux.

Elle le regarda désespérément, avec des larmes sur les prunelles, et pâle comme un être qui meurt, elle laissa retomber sa main.