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avec une sûreté de main qui m’arrachait parfois un sourire d’enthousiasme.

Tout en peignant, il m’apprenait comment on mêlait la cire aux couleurs et quelles couleurs étaient les bonnes, à l’exclusion de toutes les autres. Son blanc venait de l’île de Mélos, celui de Samos étant trop gras. Il aimait le cinabre indien, plus solide que le cinabre d’Éphèse, plus coûteux aussi, d’ailleurs. La sandaraque couleur de flamme et l’arménion d’un bleu si pâle convenaient aux vêtements féminins. Il estimait le noir d’ivoire que le jeune Apelle venait d’inventer, mais il s’en tenait pour sa part au noir plus docile aux mélanges fabriqué (lorsqu’on peut en prendre) avec les os calcinés des morts et ravis aux tombeaux anciens.

Ainsi se passa la journée sans que je sentisse la fuite des heures, sinon quand Parrhasios commandait : « Reposez-vous ! » et qu’Artémidora, toujours plus rougissante, cachait son visage dans ses mains.

Vers la fin du jour, il se leva, criant aux apprentis :

— Faites chauffer la plaque !

Et se retournant vers moi, il me dit :

— C’est fini.

On lui apporta la plaque rouge qui lançait des étincelles. Il la saisit par le piton avec des tenailles à longues branches. Il la promena très lentement devant le tableau horizontal, où la cire montait à