Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bâton ; car il fait encore l’insolent, mais il changera de ton comme les autres. Alors, si tu sais le mener, tu ne connaîtras pas la mort avant ton centième hiver. Donne-moi trente drachmes et Nicostrate sera ta chose pour toujours.

— Nicostrate ? répéta Parrhasios vers moi. En effet. Je connais ce nom. Mon indifférence est totale envers sa science de médecin. Toutes mes drogues sont dans ma cave et l’une me guérit fort bien des indigestions que l’autre donne. Quand parfois je suis enrhumé, je ne m’applique pas d’autre emplâtre qu’une belle fille aux seins brûlants sur ma poitrine étendue, et je compte bien vivre cent ans sans l’aide de cet apothicaire.

Se tournant vers le vendeur, il ordonna :

— Ôte-lui ses vêtements.

Nicostrate se laissa faire, impuissant et dédaigneux.

Parrhasios continua de commander.

— Mets-le de face, et les bras tombants. Bien… De côté… De dos… À droite maintenant… Encore de face… Marché conclu.

Il claqua légèrement de la main mon épaule et me dit à mi-voix :

— Superbe ! mon petit.

Et, je ne lui répondis point, car je me sentais secoué d’un frisson qui était presque de l’envie.

Cinquante ans sont passés ; l’espace d’une vie