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« Mateo, je serai votre maîtresse après-demain. »

Je tremblais :

— Ce n’est pas sincère.

— Je vous le dis.

— Alors pourquoi si tard, ma vie ? Si tu consens, si tu m’aimes…

— Je vous ai toujours aimé.

— … Pourquoi pas à l’heure où nous sommes ? Vois comme les barreaux sont écartés du mur. Entre eux et la fenêtre, je passerais…

— Vous y passerez dimanche soir. Aujourd’hui, je suis plus noire de péchés qu’une gitane ; je ne veux pas devenir femme dans cet état de damnation : mon enfant serait maudit, si je suis grosse de vous. Demain, je dirai à mon confesseur tout ce que j’ai fait depuis huit jours et même ce que je ferai dans vos bras pour qu’il m’en donne l’absolution d’avance : c’est plus sûr. Le dimanche matin, je communierai à la grand-messe et quand j’aurai dans mon sein le corps de Notre-Seigneur, je lui demanderai d’être heureuse le soir et aimée le reste de ma vie. Ainsi soit-il !

Oui, je le sais bien. C’est une religion très particulière ; nos femmes d’Espagne n’en connaissent pas d’autre. Elles croient fermement que le Ciel a des indulgences inépuisables pour les amoureuses qui vont à la messe, et qu’au besoin il les favorise, garde leur lit, exalte leurs flancs pourvu qu’elles n’oublient pas de lui conter leurs chers