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J’expliquai rapidement notre double rencontre, en wagon et à la Fabrique, et j’amenai la conversation sur le terrain des confidences.

Elles furent interminables.

La femme était ou se disait veuve d’un ingénieur mort à Huelva. Revenue sans pension, sans ressources, elle avait mangé, en quatre ans d’une existence pourtant modeste, les économies du mari. Enfin une histoire, réelle ou fausse, que j’avais entendue vingt fois et qui se terminait par un cri de misère.

« Que faire ? Moi, je n’ai pas de métier, je ne sais que m’occuper du ménage et prier la Sainte Mère de Dieu. On m’a proposé une place de concierge, mais je suis trop fière pour être servante. Je passe mes journées à l’église. J’aime mieux baiser les dalles du chœur que de balayer celles de la porte, et j’attends que Notre-Seigneur me soutienne au dernier moment. Deux femmes seules sont si exposées ! Ah ! caballero, les tentations ne manquent pas à qui les écoute ! Nous serions riches, ma fille et moi, si nous avions suivi les mauvais chemins. Nous aurions mules et colliers ! Mais le péché n’a jamais passé la nuit ici. Notre âme est âme plus droite que le doigt de saint Jean et nous gardons confiance en Dieu qui connaît les siens entre mille. »

Conchita, pendant ce discours, avait achevé, devant une glace clouée au mur, un travail de