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« Quatre jours d’arrêt. Les trains ne passent plus. »

Connaissez-vous Avila ? C’est là qu’il faut envoyer les gens qui croient morte la vieille Espagne. Je fis porter mes malles dans une fonda où don Quichotte aurait pu loger ; des pantalons de peau à franges étaient assis sur des fontaines, et le soir, quand des cris dans les rues nous apprirent que le train repartait tout à coup, la diligence à mules noires qui nous traîna au galop dans la neige en manquant vingt fois de culbuter était certainement la même qui mena jadis de Burgos à l’Escorial les sujets du roi Philippe-Quint.

Ce que j’achève de vous dire en quelques minutes, Monsieur, cela dura quarante heures.

Aussi, quand, vers huit heures du soir, en pleine nuit d’hiver et me privant de dîner pour la seconde fois, je repris mon coin à l’arrière, alors je me sentis envahi par un ennui démesuré. Passer une troisième nuit de wagon avec les quatre Anglais endormis qui me suivaient depuis Paris, c’était au-dessus de mon courage. Je laissai mon sac dans le filet, et, emportant ma couverture, je pris place comme je pus dans un compartiment d’une classe inférieure qui était plein de femmes espagnoles.

Un compartiment, je devrais dire quatre, car tous communiquaient à hauteur d’appui. Il y avait là des femmes du peuple, quelques marins,