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grons un wagon intitulé Irun, ce qui nous fait deviner qu’il va jusque-là. Comme nous montions, un Anglais descendait, qui nous crie : « You, look out ! pon my luggage ! » Je le regarde stupéfait et je réponds : « Pas du tout ! » en redescendant.

Mais il remonte et s’impose définitivement comme « le raseur ». Il nous demande où nous allons. Sur notre réponse (Saint-Sébastien) il me dit : « I am going too to San-Sébastien. » Ouf ! Et il continue en nous demandant la suite. H… dit : « Madrid, Séville. » Il réitère que lui aussi, Madrid, Séville. C’est complet !

Je cherche alors tous les moyens de le plaquer avec déférence et je finis par trouver celui-ci est de le laisser prendre tranquillement son : billet pour « San-Sébastien » et de demander ensuite avec toupet « une seconde Madrid ». Mais silence jusque-là.

H… reprend avec éloquence une discussion de la veille sur les embranchements divers de la ligne Paris-Bayonne. Et, tout à coup, comme inspiré, il s’écrie :

« Oh ! le Sud ! Oh ! le Sud ! »

Je réponds : « Oui. » L’Anglais dit « What ? »

Il faut noter que cette exclamation était inspirée par le spectacle des Landes couvertes de neige à partir de Morceux.


De Laluque, s’il vous plaît.