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dans sa boutique. Je renonçai en peu de temps à me montrer au théâtre : en effet, si je regardais la salle, c’était pour me repaître de la beauté d’une femme, et si je regardais la scène, c’était une preuve décisive que je devenais amoureux d’une actrice. Pour les mêmes raisons, je cessai de me promener avec elle en public : le moindre salut devenait à ses yeux une sorte de déclaration. Je ne pouvais ni feuilleter des gravures, ni lire un roman, ni regarder une Vierge, sous peine d’être accusé de tendresse à l’égard du modèle, de l’héroïne ou de la Madone. Je cédais toujours, je l’aimais tant ! Mais après quelles luttes fastidieuses !

En même temps que sa jalousie s’exerçait ainsi contre moi, elle tentait d’entretenir la mienne, par des moyens qui, de factices qu’ils étaient en premier lieu, devinrent plus tard véritables.

Elle me trompa. Au soin qu’elle prenait de m’en avertir chaque fois, je reconnus qu’elle cherchait moins sa propre émotion que la mienne ; mais enfin, même moralement, ce n’était guère une excuse valable, et en tout cas, lorsqu’elle revenait de ces aventures particulières, je n’étais pas en état de faire leur apologie, vous le comprendrez sans peine.


Bientôt, il ne lui suffit plus de me rapporter les preuves de ses infidélités. Elle voulut renouveler la scène de la grille, et cette fois sans aucune