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dernier hiver pour que tu meures le lendemain du jour où je t’aurais ruiné. Qu’il en soit comme Dieu voudra ! je ne m’en soucie plus, je suis libre ! Va-t’en Mateo. J’ai tout dit.

Je restais immobile comme une pierre.

Elle me répéta :

— Va-t’en ! Tu n’as pas compris ?

Puis comme je ne pouvais ni parler ni partir, la langue sèche et les jambes glacées, elle se rejeta vers l’escalier, et une sorte de furie flamba dans ses yeux.

— Tu ne veux pas t’en aller ? cria-t-elle. Tu ne veux pas t’en aller ? Eh bien ! tu vas voir !

Et, dans un appel de triomphe, elle cria :

— Morenito !

Mes deux bras tremblaient si fort que je secouais les barres de la grille où s’étaient crispés mes poings.

Il était là. Je le vis descendre.

Elle jeta son châle en arrière et ouvrit ses deux bras nus.

— Le voilà, mon amant ! Regarde comme il est joli ! Et comme il est jeune, Mateo ! Regarde-moi bien : je l’adore !… Mon petit cœur, donne-moi ta bouche !… Encore une fois… Encore une fois… Plus longtemps… Qu’elle est douce, ma vie !… Oh ! que je me sens amoureuse !…

Elle lui disait encore beaucoup d’autres choses…

Enfin… comme si elle jugeait que ma torture n’était pas au comble… elle… j’ose à peine vous le