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l’herbe ? Quand nous aurons quitté cet affreux soleil africain tu me conduiras vers ta source, loin derrière Psophis et Phénée, dans les vastes forêts pleines d’ombre où l’on voit sur la terre molle la double trace des satyres mêlée aux pas légers des nymphes. Là, tu chercheras une roche polie et tu graveras dans la pierre ce que tu avais écrit sur la cire : les trois mots qui sont notre joie. Écoute, écoute Rhodis ! Par la ceinture d’Aphrodite, où sont brodés tous les désirs, tous les désirs me sont étrangers puisque tu es plus que mon rêve ! Par la corne d’Amaltheia d’où s’échappent tous les biens du monde, le monde m’est indifférent puisque tu es le seul bien que j’aie trouvé en lui ! Quand je te regarde et quand je me vois, je ne sais plus pourquoi tu m’aimes en retour. Tes cheveux sont blonds comme des épis de blé ; les miens sont noirs comme des poils de bouc. Ta peau est blanche comme le fromage des bergers ; la mienne est hâlée comme le sable sur les plages. Ta poitrine tendre est fleurie comme l’oranger en automne ; la mienne est maigre et stérile comme le pin dans les rochers. Si mon visage s’est embelli, c’est à force de t’avoir aimée. Ô Rhodis, tu le sais, ma virginité singulière est semblable aux lèvres de Pan mangeant un brin de myrte ; la tienne est rose et jolie comme la bouche d’un petit enfant. Je ne sais pas pourquoi tu m’aimes ; mais si tu cessais de m’aimer un